L`Intermède
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Coeurs, du romantisme dans l'art contemporain
Musée de la Vie Romantique, Paris
Jusqu'au 12 juillet 2020



En deux mots

 
Le jour de la Saint-Valentin — comme il paraît lointain ! — le Musée de la Vie romantique a ouvert ses portes à une nouvelle exposition, Cœurs : Du romantisme dans l'art contemporain. Pour l'instant, le confinement ne permet pas d'y assister, mais l'exposition durera jusqu'à la mi-juillet, donc si nos cœurs sont encore battants d'ici la fin du printemps, nous pourrons apercevoir, accrochées aux murs de ce charmant endroit, une quarantaine de nuances pseudo-romantiques, toutes renvoyant à l'organe réputé être le siège de l'émotion.

Comment appréhender son cœur ? coeurs, musée de la vie romantique, romantisme, art contemporain, médecine, symbole, amour, gothique, kitschCette question toujours posée par rapport à l'objet aimé,  les commissaires de l'exposition, Gaëlle Rio et Maribel Nadal Jové,
l'abordent de manière originale, au fil d'un itinéraire en sept parties, chacune censée faire palpiter autrement le spectateur. La première, Cœur Ouvert, pour être en lien avec des soins hospitaliers désormais si omniprésents dans nos esprits, n’en est pas pour autant dénuée de poésie, et semble l'écho de ce vers écrit par Victor Hugo dans ses Contemplations : "Et puis laisse ton cœur ouvert ! Le cœur, c'est la sainte fenêtre". Les artistes de cette première section, à l'instar de Jorge Orta, auteur d'une œuvre d'un bleu-vert luisant, toute en porcelaine de Sèvres, nous donnant à voir des valves cardiaques brutalement coupées, ou encore Oda Jaune, qui propose un tableau surréaliste montrant quatre animaux en blouses blanches dans une salle opératoire, demeurent bien dans un registre médical.

Cœur Artiste, la deuxième partie de l'exposition, laisse croire que ce fut le versant gothique du dix-neuvième siècle qui aura le plus marqué l'esprit artistique d'aujourd'hui. Pilar Albarracin y montre la photo d'une danseuse espagnole dont la robe blanche "révèle" son cœur et son aorte, les petites artères attachées à celle-ci créant sur le tissu du vêtement l'image des fissures dans une plaque de marbre. Alors qu'Ouka Leele, montre la photo d'un sosie de Kristen Stewart, assise devant une assiette sur laquelle repose un cœur transpercé par une flèche.

Cœur Symbole, témoigne d’un l'élan vers l'abstraction. On y trouve un magnifique tableau de Jim Dine, Irene, où un grand cœur noir se superpose sur un échiquier polychrome. Corazón, sculpture d'Agatha Ruiz de la Prada, oscille entre le chic et le kitsch : une boule de poil synthétique en forme d'un cœur est maintenue par une tige en métal, comme si cet organe artificiel se confondait avec un mannequin de vitrine.

L’exposition ne pouvait se passer d'un volet Cœur Amoureux. Hélas, un courant vulgaire reste en deçà de l'intitulé exaltant, notamment dans un autoportrait de Pierre et Gilles ; dans un Obélisque de Niki de Saint Phalle évoquant un majeur aussi bien qu'un phallus ; et dans un dessin de Mrzyk & Moriccau, conçu à la manière d'Escher, où le creux cardiaque se transforme en scrotum.

Un personnage de Scott Fitzgerald a dit : "Je suis un grand romantique, les sentimentaux pensent que les choses vont durer, un romantique espère contre l'espoir qu'elles ne dureront pas". Cœur Brisé, donne place à cette quête de souffrance. Cage en verre de Françoise  Pétrovitch, faite de verre soufflé et argenture, crée un dispositif sobre où les barres ressemblent à des larmes dégoulinantes, ou des stalactites. Cœur au repos, d’Annette Messager, représente l'organe qui s'allonge sur le côté, évoqué à travers un tissage en fil de fer et un filet noir.

Le noir, couleur de la mort, est omniprésent dans Cœur Éternel, dont notre œuvre préférée est sans doute la gouache sur papier de Gilles Barbier, montrant un crâne sans mâchoire à l'envers, la parfaite denture blanc nacré frappant par son intensité et par le contraste avec le fond noir. Lorsqu'on considère quelques œuvres de la collection permanente du Musée de la Vie romantique, mises en parallèle avec l'exposition temporaire par les commissaires, on ne peut que regretter la place donnée autrefois au cœur dans l'imaginaire. Par exemple quelques bijoux, créés par des artistes anonymes, dont une feuille de métal, où l'argent est travaillé de manière à ce que le haut du cœur évoque une élégante chevelure ; et une broche formée de deux cœurs entrelacés, surmontés d'une couronne, le tout fabriqué à partir d'incrustations de pierres grenat et de brillants sur argent. Là, on voit bien le rapport avec la photographie de Pierre et Gilles, l'ironie en moins.

Le cœur doit-il être irrémédiablement associé au kitsch ? 
 
Steven Sampson
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À Paris, le 22 avril 2020
 

Voir le site officiel de l'exposition 

Coeurs, du romantisme dans l'art contemporain
Jusqu'au 12 juillet 2020
Musée de la Vie Romantique
16 rue Chaptal, Paris 9e

Mar-Dim 10h-18h
Fermé lundi et 1er mai
Tarif plein : 6 € / Tarif réduit : 4 €

Rens. : 01 55 31 95 67


Crédit photo : Winshluss Comme un oignon… 2001,  technique mixte sur papier, pièce unique 14,5 x 10 cm © D.R Courtesy Galerie GP &N Vallois, Paris

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